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La confiance numérique adviendra-t-elle à l’ère de sa maturité ?

#Expérimentation

30 ans pour le web, 15 ans pour les smartphones, 6 ans pour la 4G. Le numérique sort de son adolescence pour entrer dans l’âge de la maturité. L’enfance était porteuse d’espoirs de sociétés plus transparentes et démocratiques, l’adolescence a connu des dérives avec l’émergence de multinationales qui ont fait leur grain de nos données personnelles. L’entrée dans la maturité est de bon augure pour l’instauration d’un numérique apaisé, plus ouvert, décentralisé et démocratique, que chacun peut se réapproprier. La sécurisation va de pair avec la souveraineté numérique, mais doit absolument être accompagnée d’une formation à une culture technique et à l’esprit critique pour tous. Par Loïc Dosseur, Directeur Général de Paris&Co.

 

 

Alors qu’Elon Musk lançait son offre de rachat du site de microblogging, le New York Times invitait son équipe de rédaction à réfléchir à son utilisation effrénée de Twitter. Pure coïncidence ? Le constat : Twitter est chronophage, expose les journalistes à des critiques virulentes, voire au harcèlement et peut nuire à la réputation du journal. Aussi anecdotique soit-elle, cette nouvelle constitue une petite bombe qui vient une fois de plus démontrer l’influence colossale de ce réseau aujourd’hui dans les sphères de l’information, et bien au-delà. Son acquisition par Elon Musk ne fera que surajouter de nouvelles questions sur son indépendance et sa transparence. Dans le même temps, émerge l’idéal d’un web3 qui promet la décentralisation, la souveraineté des communautés et un nouveau partage de la valeur.

 

Des États attentistes puis régulateurs

 

Les États, attentistes lors de l’émergence et du développement tentaculaire du numérique dans nos vies de tous les jours, ont pris la mesure de son potentiel en soutenant leurs entreprises nationales mais ont aussi porté le principe de la nécessité de réguler le numérique pour protéger leurs concitoyens. Dans ce domaine, les certifications, lois et les labels encadrent le déploiement des technologies. Le RGPD est la partie émergée de l’iceberg de ce « protectionnisme social » du numérique devenu un mal nécessaire pour défendre la vie privée des utilisateurs. Il y a quelques jours, l’Europe validait le Digital Services Act (DSA), un texte de régulation des acteurs du numérique, les soumettant à des obligations et des sanctions. Les lignes bougent : ces nouvelles règles du jeu sont essentielles pour asseoir la sécurité et la confiance numérique, qui se gagnera en comprenant les enjeux, en se formant à des usages, des pratiques et en prenant en compte les risques.

 

Les entreprises ne s’y trompent pas et savent cette responsabilité, qui peut d’ailleurs s’avérer stratégique pour certaines d’entre elles. Et de défendre une idée de la souveraineté si ce n’est française, du moins européenne. Face à la préoccupation grandissante des Français sur la sécurité de leurs données, FDJ doit par exemple redoubler de pédagogie et de transparence envers ses clients, parfois peu enclins à fournir les informations personnelles légalement exigées pour accéder à une offre de jeu en ligne, afin de les guider vers une expérience de jeu sereine. Sensible aux enjeux de souveraineté numérique, FDJ collabore avec plusieurs start-up françaises en vue d’améliorer ses parcours clients tout en répondant aux préoccupations de sécurité exprimés par les Français.

 

Le numérique, clé de l’émancipation du citoyen

 

Du côté des politiques publiques, la confiance va de pair avec la transparence. La numérisation de la relation avec les citoyens favorise la bonne gouvernance en donnant une nouvelle responsabilité de garde-fou au citoyen, qui peut interpeller les décideurs politiques ou encore participer à la prise de décision (budgets participatifs, sondages, pétitions, réunions de concertation publiques…). Le numérique donne en effet aujourd’hui cette possibilité de participer plus facilement au débat public et aux résultats donc à la transparence de l’action publique. En aval, l’accès à une information récente, pertinente et fiable sur les activités tant au niveau gouvernemental que local donne la possibilité au citoyen d’évaluer objectivement l’action de ses représentants politiques. Le décideur public doit toujours veiller à embarquer un cercle plus large de citoyens et plus seulement les plus impliqués d’entre eux. C’est là que les civitech interviennent, favorisant « la construction de la parole collective sans devenir prescripteur du débat public ». Orida, Ctrl S, Cmarue, Fluicity font partie des startups qui participent à concevoir des projets participatifs entre élus et citoyens.

 

Une réflexion éthique et sociétale comme préalable

 

Il n’est donc pas question de se jeter à corps perdu sans réflexion éthique, sociétale sur chaque évolution technologique. Par ailleurs, si la confiance est essentielle, elle doit aller de pair avec la démocratisation et l’éducation au numérique pour tous et ne pas laisser ouverte la « fracture du numérique », qui, comme le déclarait déjà le Président Chirac en 2000, serait une menace pour la cohésion sociale des États. En effet, un tiers des Français ont déjà « renoncé à faire quelque chose » (une démarche liée aux loisirs, un achat...) parce qu'il fallait utiliser Internet, alors que les plus jeunes, parfois appelés « digital naives » (en écho à digital natives) ont une vision idéalisée du numérique et manquent parfois de recul sur son utilisation et ses risques. Ces derniers, s’ils ont l’agilité à manipuler les smartphones et autres dispositifs, n’ont pas toujours les connaissances techniques des logiciels qui les aideraient à émettre des critiques constructives, avec une vision de progrès social.

Cette tribune a été initialement publiée sur Les Echos.

 

Sources :

Souveraineté numérique : comment les gouvernements peuvent-ils protéger leurs données dans le Cloud ?

De l’utilité du gouvernement numérique

Chut!

Confiance numérique : définition, actualité et enjeux

[Grand Défi] Sécuriser, certifier et fiabiliser les systèmes fondés sur l’intelligence artificielle
Baromètre de la confiance des Français dans le numérique

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La démocratie numérique au défi de la critique sociale en France

« Internet en mal de démocratie » ou comment réguler l’espace numérique

Les start up de filière de la confiance numérique ont levé plus de 170 millions d’euros en 2021

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