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Xavier Milin : "Les investisseurs recherchent chez Paris&Co l’innovation, le talent et la qualité des projets"
Xavier Milin, administrateur de sociétés, business angel est au contact des startups depuis de nombreuses années. Il a accompagné une quarantaine d'entre elles chez Paris&Co et sort aujourd'hui un livre consacré à la levée de fonds pour démystifier la levée et donner les clés aux entrepreneurs pour une levée réussie. Interview.
Bonjour Xavier, qui es-tu ?
Après un parcours de directeur financier dans le monde du logiciel en Europe et en Asie, j’ai choisi il y a 6 ans de créer ma propre entité, Basics Finance, où j’accompagne essentiellement des entreprises innovantes, de toutes tailles, sur leurs problématiques stratégiques et financières.
Je dirige aussi le Startup Leadership Program Paris, un accélérateur international originaire de Boston, basé sur le bénévolat que j’ai co-fondé en France en 2012. Le programme a formé près de 3 000 entrepreneurs et entrepreneuses dans le monde, dont un peu moins de 200 en France. J’insiste sur le mot « entrepreneuse » car c’est pour nous important de soutenir l’entrepreneuriat féminin.
Enfin, je suis à mes heures Business Angel et administrateur de sociétés.
Tu as aussi accompagné des startups chez Paris&Co : quelles sont les plus belles histoires d'entrepreneurs que tu y as vécu ?
J’ai accompagné en tout près d’une quarantaine d’entreprises sur 5 années. Les plus belles histoires ne sont pas forcément des histoires de levées, même si certaines ont été remarquables, mais je dirais plutôt des rencontres.
Quand en 2013 je commence à intervenir sur l’incubateur Fintech de Paris&Co au Palais Brongniart, le sujet n’a pas encore connu ses heures de gloire. Je rencontre alors des entrepreneurs visionnaires qui n'ont pas peur de bousculer les institutions et en particulier le monde bancaire. Ils sont jeunes et ne se posent pas beaucoup de questions. Ils avancent, rencontrant peu de soutiens et de multiples barrières. On oublie vite, mais il faudra attendre octobre 2014 pour enfin voir le Crowdlending autorisé, dans des conditions encore limitées d’ailleurs.
"C’est donc l’accompagnement de ces talents débordant d’audace et d’enthousiasme, à des moments où ces derniers rencontraient des phases de doutes, de découragement parfois, mais aussi et heureusement de succès, que je retiendrai de mon aventure chez Paris&Co."
Ont-elles toutes levé des fonds ?
La plupart des entreprises accompagnées a levé. La dernière en date est QuantCube avec 5 millions de dollars levés ce mois-ci. Certaines ont fait des levées exceptionnelles, comme Shift Technology par exemple.
D’autres se sont vendues ou rapprochées de grands groupes.
Il y a eu aussi des échecs, rarement liés à la qualité des produits, mais surtout à des désaccords entre associés.
"Les conflits entre associés sont réellement des sujets très difficiles qui doivent être traités très rapidement au risque de faire pourrir des situations et de mettre à mal l’entreprise."
Finalement, lever des fonds, est-ce une fin en soi pour une startup ?
La levée de fonds est un outil. Elle permet de faire évoluer son entreprise et de financer le passage d’une étape stratégique de son développement à une autre.
Je connais des entrepreneurs qui arrivent dès le début à financer leur activité et qui peuvent se passer de levée de fonds. Ce sont des profils dont on parle peu dans la presse, car il est toujours plus impressionnant d’annoncer une levée de 20 millions d’euros.
"Mais honnêtement je pense que les entrepreneurs qui arrivent à développer leur activité en ne faisant pas appel à du capital extérieur ont beaucoup de mérite."
Effectuer une levée de fonds ce n’est pas un acte neutre. Il s’agit d’accueillir en son capital de nouvelles personnes qui vont vouloir avoir un impact sur toutes les prises décisions stratégiques, et avec qui il va falloir travailler pendant plusieurs années. Trouver les bons partenaires de sa croissance, ce n’est pas une mince affaire !
Côté investisseurs, que viennent-ils chercher chez les startups de Paris&Co qu’ils ne peuvent pas trouver ailleurs ?
Je me souviens des premiers événements où nous présentions en pitch les startups aux investisseurs. Il n’y avait pas forcément foule à l’époque mais cela a bien changé depuis. C’est impressionnant de voir les fonds d’investissement et les réseaux de Business Angels aussi présents et attentifs aux avancées des projets.
"Les investisseurs savent que les startups qui entrent dans un incubateur comme un de ceux de Paris&Co font tout d’abord l’objet d’une sélection irréprochable."
Elles sont ensuite suivies dans le cadre d’un accompagnement personnalisé, ce que l’on ne trouve pas partout. Ce n’est pas pour rien que plus de 80 % des startups de Paris&Co survivent après 5 ans !
La spécialisation des incubateurs aussi y fait beaucoup, car elle permet aux investisseurs de ne suivre les startups des secteurs qui les intéressent.
"Bref, les investisseurs recherchent l’innovation, le talent et la qualité des projets, ce qu’ils retrouvent chez Paris&Co."
Ton dernier livre « Lever des fonds, Comprendre et maitriser toutes les étapes » a justement été édité par les éditions Diateino, une startup passée par les bancs du Labo de l’édition : pourquoi avoir choisi Diateino ?
Je connaissais en effet Dominique Gibert, fondatrice de Diateino, car je l’avais suivie sur certaines problématiques liées au projet qu’elle avait lancé au Labo de L’Edition.
La maison d’édition est très connue pour son implication dans le monde de l’entrepreneuriat. Elle a édité les plus grands auteurs américains dans ce domaine, comme Guy Kawazaki, Steve Blank ou Seth Godin, et a lancé aussi des personnes particulièrement inspirantes comme Navi Radjou, le maître de l’innovation Jugaad.
Nous avons été amenés à échanger sur divers sujets et je lui ai évoqué le fait que le monde de la levée de fonds évoluait rapidement et je constatais de la part des entrepreneurs trop souvent les mêmes écueils. Le sujet lui a tout de suite plu et je me suis mis à l’écriture. En tout il aura fallu une grosse année de travail.
Quelques termes jargoneux du monde de la levée de fonds à nous expliquer ?
Si tu parcours mon livre tu constateras que comme dans tous les domaines, on va retrouver en effet des codes et un jargon particulier. C’est un jargon très anglo-saxon en fait. Il y a aussi de nombre termes juridiques complexes, mais je vais t’éviter cela pour notre entretien !
En voici 3.
Executive Summary : le document de 2 pages maximum qui résume votre projet. Je le compare souvent à une photo sur un site de rencontre. Il convient de mettre en avant tous vos atouts sans pour autant en faire trop, et il vaut mieux que l’on reconnaisse le projet et l’équipe lors du premier rendez-vous !
Term Sheet : on connait aussi ce document sous le nom de « Lettre d’intention ». Il s’agit pour moi d’une des éléments les plus importants de la levée de fonds. Ce document est trop souvent sous-estimé par les entrepreneurs qui s’imaginent qu’il suffit simplement de le signer pour que les négociations commencent. Et bien c’est l’inverse ! 85 % des éléments de la négociation se trouvent dans la Term Sheet. Après signature du document il est souvent difficile de faire machine arrière.
ICO : il s’agit d’une tendance montante qui fait beaucoup parler d’elle ces derniers temps et que j’explique dans mon livre. Les ICO, Initial Coin Offering, ne sont pas des levées de fonds avec entrée de nouveaux actionnaires. Il s’agit d’un financement effectué dans le cadre des technologies faisant appel à des crypto-monnaies, et par le biais d’émission de ce que l’on va appeler des « tokens », les tokens étant utilisés dans le cadre des projets qui cherchent du financement. C’est un peu comme si Air France proposait d’acheter des miles. En 2017 il y a eu plus d’un milliard de dollars de financement par ce biais, permettant à certains entrepreneurs de lever les dizaines de millions de dollars en 30 secondes. Les ICO manquent encore de contrôle et inquiètent les autorités de nombreux pays. La France semble souhaiter être un des acteurs clé en ce domaine… A suivre…
Quelques derniers conseils aux startups en levée de fonds ?
- Savoir de combien on a réellement besoin et planifier sa levée
- Toujours utiliser les moyens de financement non dilutifs en complément de votre levée. On ne vous prêtera jamais plus d’argent qu’après une belle levée !
- Choisir un bon avocat et l’impliquer très tôt dans le processus
- Ne jamais s’emballer après une levée réussie : ce n’est que le début de l’aventure